Meurtre d'Aboubakar Cissé dans le Gard : Bruno Retailleau a "manqué de respect" à la famille de la victime, estime leur avocat

Meurtre d'Aboubakar Cissé dans le Gard : Bruno Retailleau a "manqué de respect" à la famille de la victime, estime leur avocat L'un des avocats de la famille de la victime estime que le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, "leur a manqué de respect". Maitre Yassine Bouzrou leur déconseille de se rendre place Beauvau, à l'invitation du ministre.

La famille d'Aboubakar Cissé, tué vendredi 25 avril, ne devrait "jamais se rendre chez un ministre qui leur a manqué de respect de cette manière devant toute la France", a estimé leur avocat Yassine Bouzrou sur Franceinfo samedi 3 mai. La famille a en effet été invitée à être reçue par le Bruno Retailleau, ministre de l'Intérieur, lundi place Beauvau. "Je déconseille fortement à mes clients d’aller chez un ministre qui a qualifié Aboubakar Cissé d’individu en situation irrégulière. Je l'ai trouvé ces totalement irrespectueux", a assuré l'avocat. Il n'a pas précisé si la famille du jeune Malien, tué de 57 coups de couteau alors qu'il priait dans une mosquée du Gard, allait finalement se rendre au ministère.

Bruno Retailleau était critiqué pour ne pas avoir reçu suffisamment rapidement la famille de la victime. "Aboubakar Cissé était en situation irrégulière, c’était difficile de retrouver sa famille, pour partie en Afrique. Ses parents sont dans deux pays d'Afrique noire, certains se disaient cousins ou oncles. Mais quand on est ministre de l'Intérieur, on doit recevoir la famille, la famille juridiquement avérée", avait déclaré le ministre sur Europe 1 et CNews, mercredi. Il s'était rendu sur les lieux du crime, 48 heures après les faits - soit un délai jugé trop long pour certains.

La famille Cissé a également dénoncé l’attentisme du Pnat (Parquet national anti-terroriste), par l’intermédiaire d’un de ses avocats, Me Mourad Battikh, rapporte France 24. Celui-ci assure qu’il n’y a "aucun doute" sur le fait que le meurtre soit "une attaque de nature terroriste" et que "la communauté musulmane doit bénéficier du même traitement que tout autre citoyen". La famille Cissé a d’ailleurs dit son intention de déposer une plainte avec constitution de partie civile pour que l’enquête soit requalifiée en assassinat terroriste. Vendredi soir, la procureure de la République de Nîmes a donc longuement expliqué pourquoi le Pnat ne s'était pas saisi du dossier, tout en précisant que le Parquet national anti-terroriste "demeurera en observation durant tout le déroulé de l'information judiciaire". Vendredi 2 mai, la procureure de la République Cécile Gensac a aussi écarté la piste terroriste, au profit de la "fascination morbide" du meurtrier présumé d'Aboubakar Cissé.

Qui est l'auteur présumé du meurtre d'Aboubakar Cissé ?

Des questions subsistent sur le profil d'Olivier Hadzovic, l'individu suspecté d'avoir tué Aboubakar Cissé, un musulman qui priait dans la mosquée de La Grand-Combe, dans le Gard, le vendredi 25 avril. L'homme, rapidement identifié grâce à la vidéosurveillance et à une vidéo qu'il a lui-même filmé après le meurtre, a été interpellé et incarcéré après sa reddition dans un commissariat de police italien, dans la nuit du 27 au 28 avril à Pistoia, en Toscane. Devant les policiers, le jeune Français de 20 ans a reconnu le meurtre du fidèle musulman de 22 ans. Mais il a nié tout caractère raciste ou islamophobe à son attaque. De quoi interroger les motivations de son passage à l'acte, mais aussi sur sa santé mentale.

Selon le profil dressé par les enquêteurs, Olivier Hadzovic est né à Lyon dans une famille Rom d'origine bosnienne, avec laquelle il était installé dans le Gard depuis deux ans. Il était inconnu des services de police et de justice avant l'attaque perpétrée dans la mosquée de La Grand-Combe. Les rares témoignages des proches du suspect ont décrit une personne qui s'était renfermée sur elle-même, à l'écart du monde. "Mon fils est fou", a pour sa part déclaré le père du suspect dans un enregistrement envoyé à BFMTV ce vendredi 2 mai, une semaine après les faits. Présentant des excuses à la famille d'Aboubakar Cissé, le père de famille a reconnu la responsabilité de son fils : "C'est 100% pas normal ce qu'il a fait. Je m'excuse pour la famille de ce qu'il a fait. Il est en train d'assumer ce qu'il a fait."

Le suspect souffre-t-il de "problèmes mentaux" ?

Le père d'Olivier Hadzovic a-t-il voulu dire que son fils souffre littéralement de troubles mentaux ou était-ce une façon de qualifier et de dénoncer le meurtre reconnu par le suspect ? L'homme n'a donné aucune précision sur le profil psychologique du suspect. Pour l'heure, les éléments de l'enquête suggèrent simplement une marginalisation du suspect durant les mois précédant l'attaque. "Il était tout le temps seul, il ne parlait à personne. Il s'était pratiquement retiré du monde", rapportait son avocat italien, Me Giovanni Battista Salvietti, sur franceinfo lundi 28 avril, en citant la tante du suspect qui l'a conduit au commissariat. Des sources proches de l'enquête citées par Le Parisien ajoutent que le suspect est "isolé socialement, sans emploi, accroché aux jeux vidéo auxquels il consacrait la majeure partie de son temps" et vit des allocations du RSA. L'avocat lui-même s'est posé la question de troubles psychologiques en évoquant une éventuelle folie meurtrière de son client : "D'après moi, il a des problèmes mentaux. Il parle très peu, il est très silencieux, très taciturne. C'est difficile de parler avec lui."

Lors de sa conférence de presse vendredi soir, la procureure de la République de Nîmes a indiqué qu'une "expertise approfondie de sa personnalité et de sa responsabilité pénale" va être réalisée durant l'enquête. Elle a précisé que le jeune homme né le 19 octobre 2004 était un "chrétien non pratiquant" et était "très actif sur les réseaux sociaux". À ce stade cependant, a-t-elle fait savoir, le Parquet national anti-terroriste ne s'est pas saisi de l'affaire car le meurtre semble avoir été commis par un individu "isolé, sans revendication idéologique ou lien avec une organisation qui diffuserait une revendication idéologique qu'elle entendrait porter par l'intimidation ou la terreur". "Les ressorts pour agir de l'agresseur sont très vite apparus comme profondément personnels : envie de tuer, quelle que soit la cible, et fascination morbide", a-t-elle déclaré.

Le suspect extradé la semaine prochaine

Placé en garde à vue par la police italienne, le suspect Olivier Hadzovic sera extradé vers la France "d'ici la fin de la semaine prochaine", a indiqué vendredi soir la procureure de la République de Nîmes. Il "a consenti à être remis à la France car il veut rentrer chez lui", a expliqué son avocat. D’ici là, il pourrait être transféré dans une prison avec plus de sécurité en prévision d’éventuelles représailles d’autres détenus musulmans. De retour en France, le suspect risque d'être mis en examen dans le cadre de l'enquête ouverte par le parquet de Nîmes pour meurtre.

Lors de ses premières auditions par la police italienne, le suspect a reconnu avoir tué Aboubakar Cissé, mais a nié avoir agi par islamophobie. Son avocat assure qu’il a "tué la première personne qu’il a trouvée sur son chemin". "Le fait que la victime soit musulmane, c'était un hasard", ajoute le conseil. Une déclaration dont doutent les enquêteurs au regard des propos tenus par le suspect dans une vidéo filmée après le meurtre et dans laquelle Olivier Hadzovic profèrent des insultes à l'égard de l'islam : "Je l'ai fait [...] Allah de merde [sic]."

Toujours en garde à vue, Olivier Hadzovic a indiqué aux policiers avoir été animé par une pulsion morbide comme indiqué par son avocat italien sur franceinfo : "Il dit qu'il s'est levé avec la conviction qu'il devait tuer quelqu'un." Un élan exprimé par le suspect dans la vidéo qu'il a tournée devant le corps de la victime. Il y émet "le souhait de devenir un tueur en série" en tuant "deux autres" personnes selon la retranscription faite par le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau. Ces propos ont conduit le procureur de la République d'Alès à décrire le suspect comme "potentiellement très dangereux" durant sa cavale. Des sources proches de l'enquête, citées par Le Parisien, ont indiqué avoir retrouvé des messages postés par le suspect exprimant le "désir de violer ou de scarifier des cadavres". Les enquêteurs n'ont en revanche trouvé aucune publication à caractère raciste ou haineuse contre les musulmans.

Dernières mises à jour

17:18 - "Nous avons perdu un frère", regrette le maire de Montreuil, Patrice Bessac

"Je veux dire notre solidarité, notre tendresse, notre soutien à la famille d'Aboubakar Cissé", a déclaré le maire PCF de Montreuil, Patrice Bessac, lors d'un hommage samedi 3 mai. "Nous avons perdu un frère", a-t-il regretté. 

11:54 - Louis Boyard estime également que Bruno Retailleau a "manqué de respect" à la famille d'Aboubakar Cissé

"M. Retailleau a manqué de respect à Aboubakar Cissé et à sa famille en mentionnant sa situation administrative", assure à son tour Louis Boyard, député La France insoumise, sur le plateau de Franceinfo. "Ce n'est pas un sujet." Et d'ajouter : "C'est un ministre d'extrême droite, c'est une personne qui tient des propos racistes, [...] qui fait des distinctions entre les êtres humains selon leur situation administrative, y compris dans des moments tragiques comme celui-là."

11:36 - La procureure "donne des éléments contraires à la loi pénale et à la pratique judiciaire"

Yassine Bouzrou, l'un des avocats de la famille d'Aboubakar Cissé, estime que la procureure de la République n'a pas dressé "un profil qui correspond à la réalité", a-t-il déclaré sur Franceinfo. "Ce qu’elle ne dit pas, ou pas assez, c’est que l’auteur des faits avait manifesté auprès de son entourage une haine des musulmans", a-t-il rappelé. Pour lui, la magistrate livre "des éléments de politique pénale" tout en éludant les faits du dossier. Et d'ajouter : "On a aujourd’hui une politique pénale anti-juridique. La justice a son mot à dire. Cette procureure donne des éléments contraires à la loi pénale et à la pratique judiciaire."

11:11 - La piste terroriste écartée au profit de la "fascination morbide" du meurtrier présumé

"Très rapidement, il est apparu que l’agression était le résultat d’un individu ayant agi dans un contexte isolé, sans revendication idéologique ou lien avec une organisation qui diffuserait une revendication idéologique qu’elle entendrait porter par l’intimidation ou la terreur", a déclaré Cécile Gensac, procureure de la République de Nîmes. La piste terroriste a donc été écartée, au profit de la "fascination morbide" du meurtrier présumé d'Aboubakar Cissé. Le suspect aurait agi sous l'emprise d'une "envie obsessionnelle de tuer", sans mobile idéologique identifié, a-t-elle expliqué. Elle l'assure : rien ne permet encore de comprendre pourquoi "il entre dans cette mosquée" et tue la victime.

10:46 - La famille de la victime ne devrait "jamais se rendre chez un ministre qui leur a manqué de respect"

La famille d'Aboubakar Cissé, tué vendredi 25 avril, devrait être reçue lundi par Bruno Retailleau, ministre de l'Intérieur. Leur avocat Yassine Bouzrou estime lui que les proches du jeune Malien tué ne devraient "jamais se rendre chez un ministre qui leur a manqué de respect de cette manière devant toute la France", a-t-il assuré sur Franceinfo samedi 3 mai. "Je déconseille fortement à mes clients d’aller chez un ministre qui a qualifié Aboubakar Cissé d’individu en situation irrégulière. Je l'ai trouvé ces totalement irrespectueux." Il n'a pas précisé si la famille du jeune Malien, tué de 57 coups de couteau alors qu'il priait dans une mosquée du Gard, allait finalement se rendre au ministère, place Beauvau.